Métiers, salaires, conditions de vie , vêtements, alimentation etc. au cours de ce passé riche de découvertes ! Top 1 des mes articles lus : le certificat d'études, l'école, les bébés Top 2 les logements et salaires Top 3 les métiers N'hésitez pas à me laisser des commentaires, je répondrais avec joie
13 Août 2011
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Une visite au restaurant des ouvrières
27, Place du Marché-St-Honoré, Paris
C'est par une froide et brumeuse après-midi d'octobre: la place du Marché-St-Honoré est triste
et.silencieuse; on découvre avec peine le local de l'Œuvre que rien ne signale aux passants. Au rez- de-chaussée, une devanture peinte en noir, et au-dessus des vitres dépolies pour éviter les regards curieux du dehors.
La cage est vide : les 119 jeunes filles qui ont pris là aujourd’hui leur repas de midi sont retournées à leur bureau ou à leur atelier.. Il ne reste plus que de longues tables recouvertes de toile cirée jaune, des chaises de paille, dans le fond une bibliothèque, et contre le mur des rayons où s'alignent, des serviettes à rouleaux numérotés qui prouvent la, régularité des hôtes habituels delà mission De chaque côté. une ardoise : sur l'une, des annonces de places à prendre; sur l'autre, le menu du jour que voici :
Mouton aux navets 0 fr. 30
Civet de lapin 40
Pâté chaud id.
Volaille au riz 50
Choux au gras ,25
Pommes frites 20
Gâteau de semoule
Petit suisse
Gelée de groseilles
Fromage
Noix Pommes
La portion de pain coûte 0,05, le carafon de vin
0,15, la tasse de café noir 0, 10.
De jeunes servantes proprettes et accortes sont en train de procéder au grand nettoyage du sa-
medi: l'une lave les parquets à grande eau, les autres frottent les couverts et les couteaux ; on sent
qu'ici la propreté est à l'ordre du jour.
La directrice de l'établissement, une femme dévouée et intelligente, nous raconte en quelques
mots les débuts et le fonctionnement de l'œuvre. Fondée en Mars 1892 par un comité de dames ca-
tholiques, elle prit dès le début une telle extension qu'il fallut bientôt aménager un second local dans le voisinage..
Le restaurant fut d'abord recommandé à leurs ouvrières par les patrons membres de l'association
de l’ Aiguille, et ces jeunes filles amenèrent ensuite. Leurs compagnes.
La propreté du local; l'excellente nourriture donnée à bas prix, furent la meilleure des réclames.
Ce que nous pouvons ajouter, car la directrice s'est bien gardée de nous le dire, c'est que son ai-
mable accueil, sa bonté, ont su toucher le cœur de toutes ses jeunes clientes. Elles trouvent là plus
qu'un bon repas, une parole d'encouragement, un sourire bienveillant, parfois aussi la place qu'elles ambitionnent, toujours un stimulant au travail et à la moralité.
A 11 heures commencent les premières labiées, destinées aux demoiselles employées à la Banque
ou au Crédit foncier, auxquelles viennent s'adjoindre des institutrices, des professeurs, retenus dans
ce quartier par leurs occupations. A midi le public change, il est plus jeune, plus
bruyant : la porte s'ouvre avec fracas pour laisser passer des essaims de petites ouvrières: modistes,
lingères, couturières, employées dans- les grands magasins des alentours. 11 y en a même qui vien-
nent de loin, des grands boulevards, de la rue du Helder. La distance ne les effraye pas, sachant les
avantages qu'elles rencontreront ici.
Pour la somme modique de (30 centimes on peut faire un repas très suffisant ; les plus copieux re-
viennent à i franc avec la tasse de café noir après le dessert. Les jeunes filles se dirigent ensuite vers
la bibliothèque pour y choisir un livre qui pourra charmer leur soirée ou leur après-midi du diman-
che, mais en parcourant des yeux ses rayons il nous a semblé que les volumes étaient bien gros et
bien sérieux pour les lectrices auxquelles ils sont destinés. Peut-être n'est-ce pas la meilleure ma-
nière de leur donner le goût des lectures saines et honnêtes quoique attrayantes, que de leur mettre entre les mains des ouvrages d'érudition tels que ceux de M. de Ravignan ou de M. Maxime du Camp. (Avis à quelque aimable lectrice qui serait disposée à offrir quelques lectures récréatives.)
Tout le reste nous a paru parlait, très bien organisé avec un esprit pratique qui fait le plus grand
honneur à la directrice et aux généreuses fondatrices de cette œuvre.
Nous ne saurions trop recommander ce restaurant à toutes les dames et demoiselles que leurs
occupations retiennent dans ce quartier à l'heure du déjeuner, ou qui sont en passage à Paris ; elles
y trouveront un excellent accueil et cela sans distinction de culte ou de nationalité.
Il faut former le vœu que des institutions de ce genre se fondent dans les différents quartiers de
Paris pour y propager leur influence moralisatrice.
G. PUAUX. novembre 1892 - journal la femme (coutant 15 centimes, bi mensuel)