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Le blog du passé

Métiers, salaires, conditions de vie , vêtements, alimentation etc. au cours de ce passé riche de découvertes ! Top 1 des mes articles lus : le certificat d'études, l'école, les bébés Top 2 les logements et salaires Top 3 les métiers N'hésitez pas à me laisser des commentaires, je répondrais avec joie

plaintes contre les chiffonniers de Paris en 1905

L'hygiène de la rue! Voilà bien le dernier endroit que
l'on assainisse, et c'est là pourtant que se passe la plus
grande partie de l'existence pour les enfants du peuple.
Sans compter les petits enfants pourvus de nourrices ou
dé «bonnes », qui fréquentent les trottoirs durant des après-
midi entières, et se fouettent la poussière à la figure en
jouant au sabot, lorsqu'ils ne s'en barbouillent pas, en
faisant des pâtés.

Or, cette poussière-là, voici comment elle est préparée.
Le matin, de très grand matin, après que les balayeurs
sont venus racler les trottoirs à grand bruit, Messieurs les
chiffonniers arrivent. Les ordures de toutes sortes, nocives
ou non, se trouvent accumulées dans des boîtes en fer
blanc, dans les poubelles, qui auraient été un progrès sur
le «tas» classique, si les chiffonniers l'avaient permis.
Mais les chiffonniers ne le permettent pas. Avec l'autori-
sation, .chèrement achetée, de la Ville de Paris, ils se sai-
sissent des boîtes à ordures, les vident sur le trottoir, en
souillent les pierres, jettent au ruisseau des débris sans
nombre, déposent même au coin de certaines rues un
entrepôt de chiffons sales ; puis ils rejettent tant bien que
mal, — plutôt mal que bien —, ce qui leur a déplu, dans
les boîtes dont le tombereau municipal fera ensuite la.
récolte.

Et tout-à-1'heure, sur ce même trottoir, les gens passe-
ront, s'engluant dans les ordures éparpillées, les enfants
joueront, absorbant ce qu'une industrie aussi pernicieusa
qu'autorisée vient de semer sur toutes les voies de toutela
ville. Heureux, si Messieurs les chiffonniers n'ont pas,
comme je l'ai vu dans maint quartier populaire, abandonné
quelque haillon dont les marmots s'emparent pour faire
un drapeau, ou quelque sale boite en tôle dont ils font un
tambour ou un verre à boire.

Ce n'est pas tout; sur ce trottoir sali, les laitiers, les
porteuses de pain déposent, pendant leurs causeries mati-
nales, le lait que les enfants boivent, le petit pain du
premier déjeuner ou le grand pain des repas principaux.
Sur la table de famille, les aliments essentiels arriveront
après contact avec les dalles où les ramasseurs de chiffons
prenaient leurs ébats.

Enfin, la communication faite à 1! Académie de Médecine,
en octobre dernier, par le professeur Ghantemesse et
M. Borel, a péremptoirement démontré comment, les
mouches sont le véhicule des germes pathogéniques, et

nous charrient à domicile lès vibrions du choléra et les
bacilles de la fièvre typhoïde. Qu'une épidémie éclate : et
les.mouches, sorties de ce ruisseau, posées sur ces trottoirs
que vous avez laissé contaminer, tout-à-l'heure dissémi-
neront partout les microbes nocifs.

Est-ce pour voir durer un tel état de choses, que nous
payons à la ville de Paris une taxe énorme, sous prétexte
d'enlèvement des ordures ménagères 1 Payée par nous, et
grassement, la ville se fait payer par des industriels qui
achètent le droit de nuire à nos enfants comme, à nous, et
plus qu'à nous? Cette situation est-elle tôlérable ? et que
font messieurs les conseillers municipaux, dont nous som-
mes les électeurs, et messieurs les fonctionnaires, que nos
impôts rétribuent ? Pourquoi, sans vouloir anéantir une
industrie lucrative, ne donne-t-on pas aux chiffonniers
le droit d'aller faire leur triage dans les usines où l'on broie
les ordures ? Il est telle de ces usines,, dirigée par un ingé-
nieur, qui gagne 40 francs par wagon de niatière traitée.
Ces gains énormes justifieraient amplement qu'on impo-
sât aux usiniers qui en profitent, l'introduction, chez eux,
des chiffonniers, qui procéderaient ainsi à l'aise, au triage,
sans nuire à la santé publique. Il importe que cesse un état
de choses, vraiment honteux pour Paris. L'enlèvement im-
médiat des ordures, en peu de temps, sans aucune inter-
vention que celle des employés municipaux, à heure fixe,
et dans des tombereaux clos et couverts, voilà l'unique so-
lution. C'est celle que j'ai vu appliquer à l'étranger.

Et pour que l'on ne me taxe pas d'exagération, je finis en
citant la lettre que m'adressait, comme suite à sa commu-
nication, le professeur Chantemesse lui-même, inspec-
teur, comme on sait, des services de l'hygiène publique
au Ministère de l'Intérieur :

. « Monsieur,

« Vous m'avez fait l'honneur de m'écrire au sujet de deux
« questions qui intéressent l'hygiène urbaine de Paris. Sur
« chacune d'elles, je suis tout-à-fait de votre avis.

« Il y a quelques mois, un Congrès d'hygiène et de salubrité
« de l'habitation s'est tenu à Paris. Il s'est terminé, comme la
« plupart des Congrès, par un banquet. Je me trouvais assis
« auprès du délégué de la ville de Berlin. Je lui ai demandé, au
« dessert, non pas ce qu'il avait trouvé de mieux, mais ce qu'il
« avait trouvé de plus mal dans l'hygiène urbaine de Paris.

« Il m'a dit. franchement que ce qui l'avait choqué le plus était
« notre mode d'enlèvement des ordures ménagères. A Berlin ce
« service est beaucoup mieux organisé et il se fait à l'aide de
« tombereaux clos hermétiquement.

« Si vous me demandez, monsieur, à quel moment une sanction
« favorable interviendra, je vous dirai que sa rapide venue
« dépend à mon sens d'un mouvement de l'opinion publique
« bien renseignée par la Presse... »

22 Octobre 1905,

Article tirée de la France illustrée / Gallica
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