Métiers, salaires, conditions de vie , vêtements, alimentation etc. au cours de ce passé riche de découvertes ! Top 1 des mes articles lus : le certificat d'études, l'école, les bébés Top 2 les logements et salaires Top 3 les métiers N'hésitez pas à me laisser des commentaires, je répondrais avec joie
1 Mai 2011
Cet article est tiré d'une revue d'alimentation en 1918
L'HISTOIRE COMMERCIALE D'UN ŒUF .en 1918
La raréfaction toujours croissante des œufs sur les marchés de la capitale a eu pour résultat logique d'imposer à cet aliment primordial des cours à peu près prohibitifs.
Au début du cinquième hiver de la guerre, nous en sommes arrivés à payer un œuf 0 fr. 45 au minimum et, malgré cela, nous ne pouvons nous approvisionner médiocrement qu'au prix de difficultés extrêmes. Aussi les ménagères sont-elles disposées à écouter certaines suggestions mauvaises, dont le résultat est de leur faire confondre en une même réprobation les mercantis qui s'enrichissent sans pudeur et les commerçants honnêtes qui, contrairement à l'opinion courante, ont beaucoup de mal à couvrir leurs énormes frais généraux.
Les étapes successives, « normales » et « nécessaires » qu'un œuf doit accomplir entre le moment où il est pondu et celui où il figure, transformé en omelette, sur la table d'un bourgeois parisien. Us connaîtront ainsi le rôle des commerçants vraiment dignes de ce nom, et sauront désormais le distinguer de celui des simples mercantis.
Nombre de personnes s'imaginent que les poules, vaquant en liberté dans les prés ou picorant autour des fermes, trouvent elles-mêmes leur subsistance et ne coûtent rien à leur propriétaire. C'est oublier qu'une poule insuffisamment nourrie pond au plus de 70 à 80 œufs par an, tandis que recevant une large provende de grains ou de pâtée à base de son, elle en pond de 180 à 200 au moins. La guerre, en élevant le prix des céréales et en provoquant leur réquisition générale, a obligé les fermières à ne plus donner de grain aux hôtes de leur basse-cour. Il n'en a pas fallu davantage pour que le rendement en œufs soit aujourd'hui inférieur de 50 à 60 % en moyenne à ce qu'il était en 1914. D'autre part, l'élévation des cours de la viande et de toutes les denrées force les maîtresses de maison campagnardes à réserver pour la consommation familiale, la plus grande partie des œufs pondus à la ferme. Ceux qu'elles vendent doivent être payés un prix correspondant à la valeur des aliments auxquels ils pourraient être substitués et le cours officiel de vente
(300 francs le mille) imposé aux producteurs est à peine rémunérateur.
A la base donc, raréfaction et accroissement de valeur intrinsèque légitiment à tous égards, le prix de vente unitaire de 0 fr. 30.
Rares sont maintenant les fermes dont les produits sont apportés par « la patronne » ou par une servante au marché local. La main-d’œuvre manque, les chevaux sont réquisitionnés avec sévérité, le fourrage est hors de prix, les voyages au bourg voisin sont réduits le plus possible.
Les produits du sol, comme ceux de la basse-cour et de l'étable courraient grand risque de ne pouvoir être vendus, si un négociant spécial n’intervenait.
C'est le chineur de campagne qui, avec sa modeste carriole attelée d'une haridelle étique et mal nourrie, va de ferme en ferme, achetant les œufs qu'une fois par semaine il apporte et vend au marché local.
Si les transports étaient aussi faciles aujourd'hui qu'ils l'étaient autrefois, le chineur de campagne pourrait, à la rigueur, envoyer directement au marché parisien les œufs qu'il ne vend pas pour la consommation même du bourg où il opère. Il faudrait seulement qu'il fût assez instruit pour discuter ses intérêts par correspondance et capable d'avoir une organisation de comptes-courants, complétant une comptabilité régulièrement tenue ; il faudrait surtout qu'il pût avoir assez d'œufs pour les expédier par wagons complets... et assez de capitaux disponibles pour « trouver » des wagons — chose dispendieuse et difficile entre toutes à notre époque.
Le malheureux chineur de campagne, qui n'a le plus souvent à son service ni instruction première, ni clientèle, ni organisation commerciale, ni capitaux disponibles, est obligé, par la force même des choses, de vendre tout le petit stock dont il dispose à un coquetier ramasseur.
Celui-ci opère de façon plus moderne. Son auto, pour le service de laquelle il a toujours des bons d'essence en quantité suffisante, lui permet de parcourir les marchés locaux d'une région et d'y acheter tous les œufs disponibles. Il les fait emballer sur place en caisses (dont la valeur marchande a plus que quadruplé en deux ans) et les fait apporter, par ses camions-automobiles à une gare qui, par wagons complets, assure le transport jusqu'à Paris.
Le coquetier doit payer les propres frais de son intervention, les caisses,la paille d'emballage (augmentation 550 pour 100 en quatre ans), le salaire des emballeurs, les dépenses de camionnage en gare, le transport par rail, parfois même la fameuse « prime au wagon » dont tout le monde s'accorde à nier l'existence, enfin son bénéfice légitime, Après quoi, l'œuf arrive à Paris, grevé de nouveaux frais.
Ici interviennent le déchargement en gare, les droits d'octroi, le camionnage en ville, le pourboire aux déchargeurs, la casse en route et au cours des manipulations, et l'œuf, après avoir passé par les compteurs-mireurs assermentés, dont il faut rémunérer les services, parvient enfin, soit au marché officiel des Halles, soit chez les négociants en gros.
Qu'il soit reçu en consignation par le mandataire ou acheté ferme par le grossiste, des frais nouveaux le grèvent encore : correspondance, loyer des bureaux, appointements des employés, intérêt de l'argent investi pour l'achat, bénéfice de l'opérateur. Il supporte encore des charges nouvelles lorsque, dans les limites de la taxe officielle, le détaillant l'achète pour les besoins de sa clientèle.
Nouveau camionnage jusqu'au magasin de vente, dont les frais généraux veulent être soldés, nouveaux transbordements, déballage, retour ou cession à perte des caisses vides, bénéfice légitime, mais modique du commerçant de quartier, accroissent encore sa valeur vénale jusqu'au moment où la cuisinière, ayant dûment perçu son sou du franc, élevé à Ofr. 10 depuis l'année dernière, Madame constate qu'elle paye dix ou onze sous un œuf
Trente centimes d'achat à la ferme, parce que les poules, insuffisam-
ment nourries, pondent moins et parce que les producteurs, ayant à leur disposition moins de viande, mangent plus d'œufs qu'autrefois.
Frais de chinage (augmentation : 150 à 180 pour 100), frais de taxe sur
les marchés locaux (augmentation 75 à 120 pour 100); frais de coquetage
(augmentation : 250 pour 100 en moyenne sursalaires, réparations de camion, essence et huiles, pneus et bandages, caisses, clous, emballages ; 150 pour 100 au moins sur transports, « prime au wagon » comprise).