c'est le mot fashion et fashionable dans ce livre édité de 1835 qui m'a interpellée
le texte est de Monsieur Monnais
De tout temps le dandy a été connu en France : suivant l'époque, on l'a nommé raffiné, roué, merveilleux incroyable : dans le dernier siècle, il portait de la poudre, des mouches, des bas de soie blancs et des talons ronges : son quartier-général était Versailles et l'Œil-de-bœuf.
De nos jours, il porte un frac (écrit comme cela, je n’ai pas trouvé ce que c’était, j'ai pensé à froc, mais comme le pantalon vient après!!), un pantalon, des bottes ; ses cheveux soigneusement frisés, laissant voir une double raie de chair, conservent leur couleur naturelle; son visage est orné de petites moustaches et d'une barbe formant le demi-cercle, ou se terminant en pointe, à la Jeune-France ou au moyen-âge ; son univers se compose du bois de Boulogne, du café de Paris, et des avant-scènes de l'Opéra.
Dieu est trop juste et la nature trop féconde pour n'avoir pas donné au dandy mâle son analogue dans le sexe féminin. Le beau sexe a aussi ses dandys au moral et au physique ; car ne convient-il pas d'appeler de ce nom tous les êtres assez vains, assez froids, assez fous , pour vouer leur vie entière au costume, à l'apparence; tous ceux pour qui l'effet extérieur est le nec plus ultra de la gloire, la somme la plus haute de félicité ? Vous croyez voir des hommes et des femmes, et vous ne voyez que des habits et des robes, quelques aunes de drap, de velours, de soie, de cachemire, et voilà tout.' Encore s'il n'y avait que des sots dont cette ambition creuse tournât la creuse cervelle ! mais de nos jours l'esprit et le mérite ne préservent pas d'un travers qui devait être le patrimoine exclusif de la nullité : de nos jours la litté-
rature et les arts ont un invincible penchant à devenu fashionables : l'école de lord Byron se perpétue ; à son exemple, les écrivains , les artistes se font dandys, et viennent au bois de Boulogne, bizarrement accoutrés, plus laids que ne les a créés le ciel, disputer le prix du ridicule aux. Imbéciles, qui ne peuvent briguer que. celui-là ! Malheureusement; pour eux et pour nous, c'est une preuve que leur talent baisse ; le sens commun n'entre-t-il pas à fortes doses dans le génie, et le culte idolâtre de la Fashion n’accuse-t-il pas une dégradation notable dans le sens commun ? Que les écrivains et les artistes veuillent bien y penser :
la mode n'est pas une muse; ce n'est qu'une enseigne.