26 Juillet 2011
Malgré l'urgence flagrante qui les appelait, ce ne fut que dans l'année 1786 que l'on commença les travaux nécessaires à la conversion du cimetière des innocents en marché. Les vieilles constructions furent démolies, et on enleva, à une assez grande profondeur, les ossements et la terre du cimetière, qui furent transportés pendant plusieurs mois dans les carrières situées au sud de Paris, et surtout dans celles creusées au-dessous de la Tombe-
Ysoire : ces convois avaient lieu pendant la nuit. Le sol du cimetière ayant été renouvelé, ex-
haussé et pavé, on éleva au centre cette belle fontaine des Innocents, que Jean Goujon avait
déjà payée de sa vie, et devant laquelle on ne s'arrête jamais sans admiration, et sans donner
un souvenir à la mémoire du sculpteur.
Poyet, architecte de la ville de Paris, et Legrand et Molinos, architectes des monuments
publics, dirigèrent l'exécution de cette fontaine, que le marché des Innocents doit à la gracieuse sculpture de Jean Goujon, et voici comment :
A l'angle formé partes rues aux Fers et Saint- Denis était une fontaine dont la décoration se
divisait en trois parties, chacune composée d'une arcade, accompagnée de pilastres corinthiens et de figures en bas-relief ; cette ordonnance était surmontée par un attique et un fronton. Deux de ces parties, adossées à un bâtiment, figuraient sur la rue aux Fers, la troisième sur la
rue Saint-Denis. C'est là que, pendant l'année 1551, Jean Goujon avait sculpté ses chefs-
d'œuvres.
On voulait conserver ces monuments précieux de la sculpture du XVIe siècle : un ingénieur,
appelé Six, proposa d'ériger une nouvelle fontaine au milieu du marché des Innocents, et de
l'orner de l'architecture et des bas-reliefs dont la première était enrichie, et c'est sur cette pro-
position que Poyet et ses confrères commencèrent leur travaux.
milieu XVIII ème siècle
Quoi qu'il en soit, le marché des Innocents devint la base d'un des plus beaux monuments que nous devions à la renaissance des arts; et, aujourd'hui, on oublie souvent le bruit que fait cette grande place et les misères qui s'y ébattent, pour
ne voir que l'œuvre du grand sculpteur et ne penser qu'à la triste fin de Jean Goujon.
Tous les matins, avant le jour, on vend en gros, sur ce marché, les fruits, les légumes et les herbages que dans la journée on y revend en détail. Il est en quelque sorte le point central où arrivent tous les marchands ; à quatre heures du matin, c'est un bruit d'enfer au marché des Innocents; à midi, c'est triste chose à voir. Les galeries de bois qui entourent ce marché, et où sont entassés, comme au' fond d'une mine, les pauvres marchands en détail, d'autant plus malheureux qu'ils ne savent pas leur malheur, ont été construites seulement en 1815. Avant cette époque, les marchands vendaient à la pluie comme au soleil; et ils étaient là, comme à présent.