18 Mars 2012
Les plus grands consommateurs d'œufs ne se doutent pas qu'une bonne partie des œufs qu'ils consomment ne sont pas de provenance française et (cela va sans dire) qu'il s'en faut de beaucoup qu'ils viennent d'être pondus. Un grand nombre de pays étrangers, comme la Russie par exemple, nous envoient des quantités considérables d'œufs, conservés tant bien que mal, mais du moins dans leur coquille.
Or, il se fait un commerce énorme d'œufs conservés hors coquille, comme on dit, d'œufs liquides ou d'œufs desséchés, les jaunes et les blancs s'étant parfois desséchés séparément. Ce qu'on appelle les œufs liquides, c'est, le plus généralement, un produit commercial formé du mélange du jaune et du blanc d'une multitude d'œufs enfermés dans des boîtes de fer-blanc hermétiques, et d'ailleurs souvent additionnés d'un conservateur, d'acide borique ou de sel marin; souvent aussi, les récipients dans lesquels on verse et enferme ces œufs liquides seront des futailles.
Les meilleurs de ces œufs liquides, qui viennent de Russie, de Sibérie, du Japon, souvent de Mésopotamie, quelquefois de Chine, sont employés pour la biscuiterie, la confiserie, la boulangerie même. Il va de soi qu'ils ne peuvent donner des produits très fins. Au surplus, fréquemment, on exporte des pays dont nous parlions, les blancs et les jaunes séparément, parce que les uns et les autres n'ont pas les mêmes usages industriels, l'industrie en réclamant des quantités considérables. Les jaunes, par exemple serviront en mégisserie pour assouplir les peaux d'agneau et de chevreau, mélangés à d'autres produits bizarres. Quant aux blancs, c'est tout simplement de l'albumine; et on les emploie tout aussi bien dans les fabriques d'étoffes imprimées que dans la confiserie, dans la clarification des vins, la fabrication des produits pharmaceutiques, la pâtisserie ou la biscuiterie, etc. On choisit tout naturellement les meilleurs de ces produits pour les usages alimentaires, sans que souvent la clientèle se doute qu'on lui fait manger des œufs conservés dans ces conditions.
Nous n'avons pas à rappeler que la dessiccation, quand elle est bien opérée, assure facilement et pendant très longtemps la conservation des produits. Pour la dessiccation, on emploie des machines tout à fait perfectionnées, qui transforment en 15 secondes un jaune d'œuf en poudre granulée. Pour donner une idée de l'importance de cette industrie, disons que, dans le courant d'une seule année, rien qu'à Marseille, il arrive de 25 000 à 50000 kilogrammes de poudre de jaunes d'œufs propre aux usages alimentaires.
Juillet 1914