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Le blog du passé

Métiers, salaires, conditions de vie , vêtements, alimentation etc. au cours de ce passé riche de découvertes ! Top 1 des mes articles lus : le certificat d'études, l'école, les bébés Top 2 les logements et salaires Top 3 les métiers N'hésitez pas à me laisser des commentaires, je répondrais avec joie

DE FECAMP A SAINT-VALERY-EN-CAUX

Les Echelles de Senneville n'ont rien qui étonne, lorsque l'on a vu les valleuses d'Etretat. C'est aussi un sentier tortueux taillé dans la falaise, à l'extrémité d'une dépression qui se prolonge
dans la plaine, jusqu'à une assez grande distance et n'éprouve pas l'influence des vents du large.

Les pommiers fleurissent, les arbustes poussent à quelques pas de la mer et cette vive végétation contraste avec le tableau grandiose qui frappe les yeux, quand on arrive au point où le chemin est brusquement interrompu.

Les maisons qui composaient autrefois le village de Saint- Pierre se groupaient autour d'une église placée dans un petit vallon terminé par un échouage où quelques bateaux trouvaient
leur place. Les bateaux ont disparu, les maisons sont tombées et elles ont été reconstruites au sommet de la côte, où l'église elle-même a été transportée. Sassetot possède un vaste château, placé au milieu d'un grand parc, qui appartient à la famille de Mortainville.

Un val resserré, connu sous le nom des Dalles, mène à la mer. Il est bordé de maisons habitées par des marins qui forment une partie des équipages des bateaux de Fécamp. Partout, du reste, sur ces points élevés du littoral, on trouve des familles de pêcheurs, dont les lois de filets constituent le patrimoine. Les femmes filent et tordent le chanvre lacent les seines et
les réparent.

On exploite, à Malleville du grès, depuis un grand nombre d'années. Cette pierre, dure et froide, s'est prêtée pourtant au caprice des artistes, comme le prouve le Calvaire qui se dresse-
sur la route. Le grés est commun dans toute cette contrée et a servi à bâtir les églises.

A Cany et aux environs, on fabrique encore de la toile au métier à bras, surtout des toiles à sac et à coller. Il y existe des filatures de coton, des tisseries et des fabriques d’huiles de colza

Les truites abondent dans la Durdent et méritent la réputalion qu'on leur a faite.

Le château de Cany est situé à deux kilomètres de la ville, 'au milieu d'une vaste prairie convertie en un parc magnifique. La rivière enclot d'un cercle capricieux les dépendances du
château et en défend les abords elle alimente d'immenses étangs, sur lesquels nagent des bandes de cygnes. Toute la vallée, en remontant vers les sources de la Durdent,
offre les sites les plus gracieux.

C'est une merveilleuse promenade que la route de Cany à Saint-Denis d'il encourt; elle borde d'abord le parc du château, protégé de ce côté par une belle haie d'épine, puis traverse Grainville-la-Teïnturière, où vint mourir le dernier de ces vieux normands qui savaient gagner des royaumes.

Le sire de Betencourt, seigneur de Grainville-la-Teinturière résolut de s'emparer des Iles Fortunées, qui avaient été reconnues par les Portugais. Il équipa, avec Gadifer de la Scala, ha-
bitant de La Rochelle, une flotte qui reçut des aventuriers normands et gascons débarqua d'abord à Lancerotte, puis étendit sa domination sur plusieurs îles. Le conquérant devint alors fondateur il bâtit des forteresses, des églises, et donna des lois aux peuplades qu'il avait soumises Il revint, dans tout l'éclat de sa gloire se reposer dans son manoir, et donna de grandes fêtes, dont maître Leverrier, son compagnon et son historien, parle
avec un naïf enthousiasme retourna visiter son royaume puis -enfin, il fit un dernier voyage à Grainville-la-Teinturière où, roi des Canaries, il mourut en 1414. Une table de marbre noir, placée sur un des pilastres du chœur de l'église, rappelle le nom et les exploits de ce hardi
navigateur.

De Cany à la mer, la vallée prend plus de largeur elle perd son aspect riant et les arbres s'inclinent sous l'effort des vents du large.

Les moines de Fécamp possédaient toute cette partie du territoire ils avaient un hôtel ou plutôt une forteresse à Vittefleur. Ils tentèrent, au XVIe siècle, de créer un port à l'embouchure
de la Durdent. et l'on dit que l'on reconnaît encore la trace des travaux gigantesques qui furent accomplis à cette époque. Là encore, on retrouve la tradition d'une ville détruite par la mer.
La petite chapelle de Janville domine le paysage. On raconte qu'une statue de la Vierge, trouvée sur la côte. ayant été placée dans l'église de Palluel, retourna d' elle même au lieu d'où
elle avait été retirée. En mémoire de quoi, on construisit une chapelle pour y placer l'image miraculeuse.

L'église de Veulettes est un vaste et antique monument, tel que les moines aimaient à en asseoir, au moyen-âge, dans des gorges sauvages.

Les habitants prétendent descendre, en droite ligne, du célèbre Gargantua, dont ils possèdent le tombeau. Notre maître François Rabelais se serait donc trompé, comme un antiquaire,
puisqu'il affirme que ce tombeau, dont n'a pu voir le bout « parce qu'il entroit trop avant les excluses de Vienne », a été trouvé en un pré, près l'arceau Gualeau, duquel Jean Andeau
faisait lever les fossés.

Une petite rivière, objet d'un culte idolâtrique; coulait au milieu des bois, lorsqu'un moine de Picardie, dont le nom a été donné à un grand nombre d'églises, vint fonder un établissement religieux dans la vallée, étroite et sans profondeur, où se sont groupées les maisons de Saint-Valéry-en-Caux. Comme malgré les prédications du saint homme, les habitants continuaient à adorer les bois et les eaux courantes, il s'avisa d'un excellent moyen pour supprimer la partie aquatique de leur culte il enfonça un grand nombre de balles de laine dans la source de la rivière et la boucha si bien que depuis onc elle ne coula.

Ceci me remet en mémoire un conte que l'on me faisait quand j'étais petit.

Un vieux matelot d'Yport avait tant et tant voyagé qu'il, avait tout vu. A la veillée il racontait les tempêtes que son navire avait éprouvées: comment, un jour, le kraken (d'où on a tiré le
verbe craquer) s'était montré tout-à-coup, élevant ses énormes bras au-dessus de l'océan, et avait enlevé un matelot qui serrait le perroquet d'un vaisseau, grand comme l'abbaye de Fé-
camp comment les cancrelats avaient si bien mangé un navire de la Compagnie des Indes, qu'à son arrivée à Lorient il n'en restait plus qu'un bordage sur lequel était posé le soulier
du mousse

Mais le plus curieux de tout, dans les récits du matelot, c'est qu'après bien des fatigues, il était arrivé, une fois, tout près de la source du vent du nord.

Comment est-elle faite la source du vent du nord? demande un bonhomme, tout cassé, qui avait bien voyagé aussi, mais pas si loin.'

Elle n'est pas plus grande que cela, répondit le matelot, en formant un cercle avec le pouce et l'index

Pas plus grande que cela, imbécile Il fallait y fourrer ton
bonnet; nous serions tranquilles, maintenant!

Joachim MICHEL.

Ecrit dans La Tradition paru en 1901

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